
C’était un après-midi de novembre ou peut-être de juillet, en tout cas il faisait jour, et j’écoutais la plus jeune des mes princesses qui ne soit pas un canidé me narrer ses aventures adolescentes. Une occupation que je chéris et plutôt reposante, tant que j’ai la présence d’esprit de me taire bien sûr ! Alors elle lâcha, innocemment, une bombe : « Les Secondes tu te rends compte, elles sont comme ci alors que nous on était comme ça. La nouvelle génération tu vois, c’est plus comme nous ! ».
Donc, nous partagions ce moment père fille lorsqu’elle prononça cette phrase qui ébranla les fondements du temple dont je suis le dieu, prêtre et ouaille – mon grand Moi donc – pour me précipiter dans un océan de réflexion que j’abordais en nage indienne tout en caressant a) les poils de la blanche barbe qui est mienne ou b) les poils de la blanche robe du meilleur ami de l’homme qui est mien, je ne me rappelle plus.
Le ciel tombe sur ma blanche tête
Donc… boomer est une attitude, peut-être même un style de vie. On n’est pas boomer parce qu’on a plus de 40 ou 50 ans voire 51. Non. Peut être boomer qui veut.
Mes enfants sont des boomers. Les amis de mes enfants sont des boomers.
JE SUIS BOOMER serait donc le signe de ralliement de tous contre les autres, l’étendard qui pourrait les réunir alors que je croyais que c’était l’Anneau ou à la limite ce problème de couche d’ozone dont on parle ces jours-ci.

par le sémillant Gilles Rapaport
Dans l’inconscient de mon collectif personnel – mes moi, surmoi et pasmoi occupés à jongler avec toutes les balles là-haut comme je l’ai lu dans Psychopathie Magazine – une « nouvelle génération » ce n’était pas ça, et il se trouve que dans le monde réel non plus – ce qui angoisse terriblement mon sousmoi.
Une génération c’est vingt-cinq ans d’écart d’âge (allez, je vous accorde vingt-deux ans si vous êtes un Strauss-Howein convaincu), mais je me gardais bien de relever ce point, je voulais conserver encore quelques minutes les effets apaisants d’une conversation géniteur/descendance sur laquelle le rideau ne se baissait pas au bruit d’une porte qui claque.
Je me tus donc. Mais j’aurais pu lui rappeler qu’un vrai écart générationnel ce n’est pas ça. Si j’avais eu le courage d’affronter ses yeux dont le bleu peut rimer avec furieux plus souvent que je ne le voudrais pour la peinardise de mon intérieur, je me serais levé et j’aurais pointé le doigt pour lui expliquer la vie. Mais je la laissai parler, non pas pour ne pas la froisser, ce qui fait partie de ma fiche de poste de la mission que je me suis attribué, mais pour sauver les miettes d’un instant paisible dans la Châtellerie à l’heure où les caractères s’affirment, entre 17 heures et 25 ans il me semble.
Des souvenirs comme s’il pleuvait des balles de 9mn
J’aurais pu lui raconter, par exemple, comment, alors que nous étions un peu plus jeunes que des Secondes, sans doute avant que d’avoir l’âge de fumer des Khol Menthol, vers 8 ou 9 ans donc, nous avions dû décoincer le doigt de mon cousin bloqué dans le percuteur d’un pistolet mitrailleur MAT 49 qui traînait par là. Alors que mon père lui avait dû au même âge sortir le doigt de son cousin à lui d’un pistolet automatique Luger P38 qui traînait par là. C’est ce qu’on peut appeler un vrai choc de générations ! Le Luger n’ayant vraiment rien à voir avec le MAT 49, vous en conviendrez.
« CQFD », comme disait le prêtre qui officiait comme prof de physique du catholique collège dont je suis l’indigne rejeton avant de me cracher dessus ou de m’arracher les cheveux, je ne sais plus. (Mais cela, c’est une autre histoire de choc générationnel que je pourrai narrer un autre jour.)
En attendant ce moment, laissez moi vous dire que les Secondes sur Tok Tok, ils font vraiment n’importe quoi !