En ce temps-là, le top visionnage de Netflix présentait un visage étonnant avec Lupin et La Chronique des Bridgerton en haut du classement. Vous vous dites sans doute, gonflé de vos biais, que je vais m’empresser de basher la série qui met en vedette l’acteur préféré des Français, Omar Sy, alors que l’actrice en troisième position du même classement c’est Mimi Mathy, c’est vous dire si je peux me motiver. Et là, je vais prendre la tangente et vous étonner, je ne suis pas là où vous m’attendez, comme un taquin feu follet. Je ne vais pas parler de cette série dont le scénario enfonce tellement de portes ouvertes bien pensantes et politiquement correctes niveau 4e D qu’il n’était pas nécessaire d’appeler Arsène pour les forcer. Mon fil rouge aujourd’hui je vais le passer autour de la tête des Bridgerton.

Dessin d’humour de qualité par Gilles Rapaport
Tout d’abord, permettez-moi une précision importante : je n’ai bien évidemment pas regardé cette série, ni Lupin. Je ne suis pas critique, personne ne me paie pour m’infliger ce type de mauvais traitement, alors je ne le fais pas. J’ai regardé les bandes annonces, ce qui est largement suffisant pour garder toute mon objectivité et délivrer une chronique basée sur mon expérience personnelle, mes préjugés et un mauvais esprit certain.
Cette chronique lue par une voix d’un autre siècle ?
La Chronique des Bridgerton, du teen soft-porn sauce Tagada
Je vais passer très rapidement sur l’incohérence totale de cette série avec l’époque, la Régence anglaise donc, qui comme on le sait tous était un temps très triste et morose, puisque c’était le passé. Dans la bande annonce on voit parfaitement que le délire de l’artiste a transformé la vérité historique en une fête foraine digne des Télétubbies à qui on aurait donné certes la parole mais une parole agrémentée de dialogues indignes de Po et Lala, les héros de l’Aînée. C’est l’absence d’intérêt de l’intrigue qui sidère, à ce que j’en ai compris des dialogues indignes (bis) et du montage haché menu que je me suis infligé. Les acteurs – sont-ce des acteurs d’ailleurs ou des personnalités de télé-réalité ? – ont l’air aussi passionnés par les problèmes de Daphné et de son duc que je le suis, c’est dire. Comme bien souvent le All Inclusive (celle-là est particulièrement fine), c’est cheap et décevant.
Vous vous demandez – si vous êtes toujours là – ce que l’homme mi-centenaire, barbidoux poivre et sel peut avoir comme référence pour donner son avis sur une romance érotico-fantaisiste ou fantastico-historique, faites votre choix. Et là, encore une fois, je vais sortir de ma boîte à souvenirs des étonnements par milliers.
Noyé sous les romans à deux sous, il se sauve de justesse

Collagorum Horribilis, 2021
J’ai eu la chance de recevoir à la naissance le don de la lecture. Ivres, des fées se sont penchées sur moi quelques semaines après les premiers pas d’Armstrong sur la Lune. À partir de sept ans vous aviez une grande chance de me trouver en train de lire dans un coin, jolie tête blonde penchée sur un Oui-Oui, un Club des cinq ou un Fantômette.
Quand je ne jouais pas à avec les figurines de Bill La Gâchette ou de Puma Somptueux, son ennemi juré, je lisais. Je m’en mettais plein les mirettes dès que je pouvais. Je me goinfrais de mots imprimés, Steve Jobs n’ayant pas encore inventé l’iPhone pour m’en éloigner, j’allais sombrer dans cette folie jusqu’à une adolescence bien trop tardive pour être honnête. Comme dit le proverbe équin « After toys, Before Playboy ».
À l’âge où mes camarades tapaient dans des balles de cuir, des boîtes de conserves ou les parties douloureuses d’autres camarades qui avaient suivi le même parcours de formation, je dévorais tout ce qui me tombait sous la main, et ce n’était pas beau à voir. Je me la donnais à coup de westerns (un ancien genre littéraire avec des méchants cow-boys et des gentils Indiens, ou l’inverse je ne sais plus), des romans de guerre (avec des méchants Anglais et des gentils Allemands, ou l’inverse je ne sais plus) et des romans d’espionnage à faire rougir Sir Ian Fleming (OSS 117 et bien sûr le meilleur d’entre tous Son Altesse Sérénissime Malko Linge). Mais il y a pire. Bien pire.
Humour Artistique par Gilles Rapaport
Entre douze et treize ans, j’ai sombré. Ma Mère-Grand pour dealeuse, je suis tombé dans la collection Harlequin. Maritie et Gilbert Harlequin je crois. Cette année-là, je suis devenu une jeune jouvencelle rougissante vibrant aux aventures des Jane, Megan, Prunella et autres Phyllis. Sorties tout droit de l’imaginaire saupoudré d’épices d’un autre temps d’auteurs féminins (ce n’étaient pas encore des autrices) que j’imaginais anglaises alors qu’elles ne l’étaient sans doute pas. J’ai navigué sur les vagues de sentiments et d’émotions inconnues de belles et jeunes secrétaires en belles et jeunes filles riches en belles et jeunes orphelines en belles et jeunes… enfin, vous voyez l’idée.
Je ne pouvais pas m’en sortir. Longtemps j’ai cru que j’allais devenir infirmière et rencontrer enfin un neurochirurgien ténébreux mais au fond tellement adorable. Ce crack littéraire était presque gratuit, livré toutes les semaines dans les Tabac-Presse de nos belles provinces. Une drogue dure, et légale, dans un emballage d’amours contrariés.
Comme toutes mes addictions, ce fut l’arrivée d’une autre qui me sauva. Je sortis de cet enfer pavé de roses à l’arrivée de la VHS chez nous et de la sortie du film Highlander de Russell Mulcahy. Pendant un an, je ne regardais que ce film. En boucle.
Destiné à devenir une jeune infirmière, je serai immortelle et j’aurai un sabre japonais millénaire ! Et c’est avec celui-ci que j’irai couper la rousse tête de Daphné Bridgerton si elle s’approche une fois encore de mon duc.
Non mais !