Cher Journal,
J’ai pour les 2Be3 (prononcez toubitri) une certaine mansuétude. Sans doute, et je ne n’irai pas plus loin, parce que j’ai un souvenir ému de la merveilleuse chanson Donne, un titre cher à mon cœur que seuls les plus de 40 piges, et très proches de la Chatellerie, et non Alzheimer, savent pourquoi.
Mais cette mansuétude ne s’applique pas à tous, oh que non ! Les salauds de fuyards, faux Parisiens, mais vrais lâches pour la plupart, qui n’ont pas pris comme nous la voie de la résistance organisée, campés sur nos cannes de Jean Moulin made in South Pigalle, me débectent. Oui, me débectent.
Alors que s’organise le combat, que notre chef suprême (quel grand homme) appela de ses vœux lors de la légendaire Allocution du 16 mars, certains ont préféré fuir. Ce qui leur sert de queue, un micro-pénis à mon avis, entre ce qui leur sert de jambes, des cuisses de poulets de batterie sans doute, ils ont pris la poudre d’escampette (marrante expression qu’on ne peut pas caser partout). Ce que l’on appelle une débandade, je crois.
Ils ont nourri les routes de France direction la Campagne, les résidences secondaires, la Mer, les transats… de l’autre côté du Périph’, cet ailleurs que l’on ose défier qu’en été. Les images sont terribles et elles resteront dans les mémoires. Ils ont par la même occasion été répandre à coup d’euros parisiens le virus dans nos chers contrées. Inconscients ! Et certains de crier « Assassins » ! « Irresponsables et « Pas beaux » !
J’ai honte. Tellement honte.
L’éducation catholique qui a fait de moi ce que je suis — homme blanc, skateur de cinquante ans — est en train de réclamer sa livre de chair. Je paie le prix fort, je vais même vous l’avouer, je suis surtaxé et je peine à trouver le sommeil depuis deux jours.
Fils de l’église, élevé au sein de sa bienfaitrice bienveillance bénévole et malgré mes efforts répétés, acharnés et assez ridicules, je pense que jusqu’au bucher je resterai un indécrottable ex-enfant de chœur, ex-scout, ex-élève Mariste. Arrêtons-nous là, je vais me pendre.
J’ai des pensées impures.
Je me vois, je m’imagine, je me rêve. En Terre du Milieu, la-bas dans la Comté, à me dorer la pilule, à me bourrer de Nutella (oui de Nutella !) au petit-déjeuner sur la terrasse de notre maison de vacances. Et de me promener dans nos bois, le chien-chat bondissant à mes côtés. Le confinement ? Quel confinement ?
Mea culpa, mea maxima culpa.
Mais ce n’est pas possible, bien sur c’est totalement impossible ! Comment pourrais-je imaginer quitter ce combat ? Nous sommes tous là, les uns pour les autres ! Enfin surtout certains plus que d’autres si j’ai bien compris. Je dois être responsable, parce que l’histoire nous jugera, on les comptera ceux qui nous ont abandonné, je suis sur que les noms sont marqués quelque part dans le grand livre de la postérité.
Quelle connerie m’a traversé l’esprit ! Comment ai-je pu ? Que vont penser mes filles ?
Et soyons un peu réalistes, pragmatiques : je n’ai pas de voiture, nous ne prenons pas les transports en commun (quel mot horrible) et hors de question de prendre un Uber par les temps qui courent (ça c’est une chanson d’Alliage). Le train n’est donc plus une option ! On est coincé ici, à combattre, à protéger les autres, nos chers Provinces en restant les derniers des Parisiens. Putain mais quelle courage on a nous !
L’histoire nous jugera (bis repetitae, je ne le répèterai pas trois fois).
On aura une bonne note, hein ?