Où est Achille ?

Boomer équilibriste par Rapaport

Ce mercredi là, au Père-Lachaise.

Nous étions réunis pour un dernier signe de la main à une amie, une mère, une compagne, une ex, une fille… L’assemblée était si nombreuse que nous avions réussi à ne pas entrer dans la salle où l’émotion nous aurait submergés. Cinq d’entre nous patientions en échangeant des bêtises pour nous faire rire plutôt que chialer. 

Alors que je ricanais finement à une saillie de Nicolas sur « la vie sa mère la pute », Michelle nous fit remarquer que nous n’étions plus que quatre. Ivan avait disparu, il ne faisait plus partie de notre cercle de mécréants rieurs, pour ne pas pleurer je vous le rappelle.

Ivan qui disparaît, au Père-Lachaise. Classique.

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Un mystère pas très mystérieux

Il faut savoir que le bonhomme est amoureux de la chose circassienne. À chacune de nos retrouvailles dans ce lieu précis, pour ce genre d’occasions qui se multiplient inexorablement (encore un avantage que nous avons sur Ceux qui nous succèderont de pouvoir nous retrouver ), il part à la recherche d’Achille Zavatta

Un fameux numéro d’équilibriste de l’humour
par l’Étonnant Musculadorium Rapaport, l’Homme le plus fort du monde

Le Père-Lachaise a son lot de légendes et d’histoires à dormir debout, mais pas quand le cimetière est fermé parce que cela fait trop peur la nuit un cimetière, à commencer par celle bien connue de la tombe de Victor Noir, dont le gisant fourni d’une belle virilité excroissante serait une fontaine de fertilité si tant est que ma phrase ait un sens et que l’on se frotte dessus et que l’on soit une femme.

Pour le maître clown Achille, la légende dit que ses cendres sont dans une urne-roulotte ! En toute logique donc, elle n’est jamais à la même place, elle suit sa route à travers les divisions du cimetière. La légende dit aussi qu’on a une chance de la voir lors des cérémonies du mercredi après-midi parce que c’était le jour des matinées du cirque à l’époque du grand homme. Cela explique la disparition d’Ivan qui n’avait de cesse de tenter d’apercevoir la roulotte aux cendres. On était mercredi comme dit plus haut.

psychologie de comptoir épisode 97

De mon côté, je n’ai jamais été un amoureux de la chose circassienne. Non pas parce que je ne connaissais pas ce mot, jusqu’à il y a peu j’appelais ça le cirque, mais à cause du traumatisme terrible d’avoir grandi à une époque où notre imaginaire était nourri par les histoires s’y déroulant. De Dumbo au Freaks de Browning en passant par Rémi sans famille, pinocchio, La Strada, etc., j’ai l’impression que tout a été fait dans ma jeunesse pour m’effrayer, me dégoûter du plaisir d’admirer l’art des enfants de la balle. J’ai bien assisté à quelques représentations sous le grand chapiteau Pinder, lors des tournées de cette époque bénie où Valéry chauffait la place de François, chapiteau qui se montait toujours à quelques dizaines de mètres de ma maison, comme un pied de nez à mes peurs enfantines. Et si je ne hurlais pas pour ne pas y aller, à cette époque les enfants ne hurlaient pas, je m’y laissais entraîner pour faire plaisir à mes géniteurs, parce que oui j’étais un enfant adorable, mais je l’avoue aujourd’hui c’était bien parce que c’était eux.

Dominant vs Dominé
par l‘Honorable Rapaport

Quelques années plus tard, j’ai succombé à la pression de la paternité, je vous dis pas le poids de ma charge mentale à moi dans ces moments-là, et me traînais en râlant jusqu’à ces établissements où les lions ne mangent que rarement Ceux qui marchent debout pour la joie des Princesses. Un passage obligé pour tout éleveur digne de ce nom. Je n’en garde pas grand souvenir, aucune rébellion animalière qui m’a réconcilié avec ce spectacle.

une chute sans tambourIN ni trompette

Avant la fin de la cérémonie, Ivan revint . Il avait fait chou blanc, encore une fois. Mais il promit qu’il n’abandonnerait pas sa quête de la roulotte aux cendres. Et nous savions que les occasions ne manqueraient pas de se présenter pour poursuivre sa quête. C’est la vie.

Nous nous quittâmes, en sachant que nous allions nous retrouver.

N’AYEZ PAS PEUR
par l‘Incroyable Papapaport

Il restait encore un peu de temps avant que la journée ne se termine, et je repassai à mon bureau. Vous savez, celui qui jouxte la sortie des artistes du Cirque d’hiver. De là à dire que je suis poursuivi par les gens du cirque… il n’y a qu’un tour de piste que je n’ai toujours pas envie de faire.

Play-scriptum : En écrivant cette chronique, j’écoutais Piece of My Heart de Janis Joplin, Another Day of Sun de la BO de La La Land et Somewhere version Tom Waits.

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